Publications des scientifiques de l'IRD

Chauveau Jean-Pierre. (2013). Les leçons de l'histoire : les politiques de formalisation des droits "coutumiers" en Afrique subsaharienne depuis la période coloniale. In : Formalisation des droits et des obligations. 15 p. multigr. Journées d’Etudes « Formalisation des Droits et des Obligations », Nogent-sur-Marne (FRA), 2013/12.

Titre du document
Les leçons de l'histoire : les politiques de formalisation des droits "coutumiers" en Afrique subsaharienne depuis la période coloniale
Année de publication
2013
Type de document
Colloque
Auteurs
Chauveau Jean-Pierre
In
Formalisation des droits et des obligations
Source
2013, 15 p. multigr.
Colloque
Journées d’Etudes « Formalisation des Droits et des Obligations », Nogent-sur-Marne (FRA), 2013/12
Depuis les années 1990, les questions de "pourquoi" et "faut-il formaliser ?" semblent avoir reçu une réponse massivement catégorique dans le monde du développement. Formaliser les droits coutumiers (ou locaux) semble aller de soi pour sécuriser leurs détenteurs (notamment les plus vulnérables) et promouvoir l’investissement ; des programmes de formalisation sont mis en oeuvre dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne ; la diversification des approches en matière d’enregistrement des droits et les importants progrès techniques dans le domaine de la géomatique semblent assurer à "l’offre d’intervention" une grande capacité d’adaptation aux conditions socio-économiques locales et aux contraintes de financement. Malgré cela, de nombreuses études de synthèse reprochent aux entreprises de formalisation de reposer sur des vues réductrices concernant les pratiques foncières des sociétés rurales africaines et d’ignorer les conditions concrètes et les effets pervers des opérations de formalisation sur les plans sociaux, politiques et économiques. Les critiques de fond portent sur le caractère structurellement ambivalent du cadre conceptuel de la formalisation. D’abord, l’objectif de sécuriser les droits coutumiers (et leurs transferts) recouvre en réalité deux motivations très différentes et potentiellement antagoniques : sécuriser « défensivement » contre un risque de dépossession ou de spoliation, et sécuriser « offensivement » pour améliorer les performances économiques. Ensuite, le paradigme de la sécurisation par le titre semble ignorer qu’en les "désenchâssant" des processus socio-politiques locaux de reconnaissance sociale, la formalisation fait subir aux droits préexistants une recomposition dont les effets ne peuvent être maîtrisés. Sans prétendre trancher le débat, la contribution se propose d’apporter aux questions de "pourquoi et faut-il formaliser ?" un éclairage original par la mise en perspective historique des politiques d’enregistrement des droits locaux en Afrique rurale depuis la colonisation. La reconstitution de cette histoire met effectivement en évidence l’échec des entreprises de formalisation, qui ne sont jamais parvenues à couvrir une proportion significative des terres ni à assurer la pérennisation des enregistrements légaux en dépit de plus d’un siècle de discours et d’expériences. Cette histoire fait aussi ressortir d’autres aspects qui méritent tout autant réflexion : dès les débuts de la colonisation, la question de la formalisation a provoqué des controverses permanentes, ce qui n’a pas empêché la dogmatisation de ce thème au sein du monde du développement et de l’industrie de l’aide; la formalisation des droits locaux n’a pas toujours été encouragée par les pouvoirs en place eux-mêmes, par crainte des risques politiques et sociaux qu’elle pouvait entraîner ; malgré le consensus actuel apparent en faveur d’une approche pragmatique de la formalisation des droits, la période contemporaine se caractérise, dans la pratique du développement, par une suprématie de l’approche orthodoxe sans équivalent dans l’histoire. Étant donné l’échec historique des expériences passées et récentes, la construction sociale et politique du dogme de la formalisation dans la panoplie des politiques de développement constitue par conséquent une question empirique en soi. Explorer les raisons de sa pérennisation fait partie de la réflexion nécessaire au renouvellement des politiques foncières en Afrique.
Plan de classement
Milieu rural, sociologie rurale, systèmes agraires, foncier rural [098RURAL1] ; Droit, législation [114DROIT1]
Descripteurs
DROIT COUTUMIER ; FONCIER COUTUMIER ; FONCIER RURAL ; POLITIQUE FONCIERE ; HISTOIRE COLONIALE ; SECURISATION FONCIERE ; ENREGISTREMENT ; DROIT LOCAL ; GEOMATIQUE
Description Géographique
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Localisation
Fonds IRD [F B010062925]
Identifiant IRD
fdi:010062925
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